La question des revenus des psychologues libéraux est souvent laissée de côté. Elle est pourtant essentielle. Savoir si une installation peut être rentable, à quel tarif mettre les séances… sont des questions essentielles.
Nous allons donc essayer d’y voir un peu clair dans cet article. Comme pour tous les articles de cette rubrique, il ne s’agit pas d’asséner des vérités générales mais de donner des pistes pour vous aider à réfléchir à cette question en fonction de votre propre situation.
« Money » des Pinkfloyd: un petit fond musical pour rester dans le thème de cet article.
Combien les psychologues libéraux gagnent-ils en moyenne?
D’après le recueil statistique de l’UNAA (Union Nationale des Associations Agréées), les psychologues en libéral ont gagné 18772€ annuel en 2017 (pour 42922€ de chiffre d’affaire annuel), soit 1564€ par mois.
Ces chiffres ne portent pas sur tous les psychologues mais uniquement sur ceux qui sont inscrit à une AGA (Association de Gestion Agréée), c’est-à-dire une association qui aide notamment à la gestion et à la comptabilité des libéraux.
Les psychologues en libéral ayant les revenus les plus faibles sont moins susceptibles d’adhérer à de telles associations. On peut donc penser que ces chiffres correspondent sans doute à une fourchette haute.
De plus, impossible de savoir à combien de jour de travail moyen, ils correspondent (si vous avez d’autres statistiques n’hésitez pas à l’indiquer dans les commentaires).
Combien allez-vous gagner? : calculer ses revenus potentiels
Un rapide calcul des coûts et des bénéfices peut vous aider à savoir combien vous pouvez espérer gagner en vous installant en libéral.
L’idée est de calculer les revenus une fois que le cabinet recevra suffisamment de patients, c’est-à-dire, après les deux premières années qui sont souvent difficiles (voir mon article à ce sujet).
Les gains:
Ils sont finalement assez facile à calculer si vous faites des psychothérapies, ils correspondent pour une semaine :
au nombre de patients vus en moyenne par semaine multiplié par le prix moyen des séances
(évidemment, il faut ensuite retirer les vacances, les patients qui ne viennent pas ou qui ne viennent pas toutes les semaines pour obtenir un chiffre à l’année).
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Les dépenses:
Les facteurs de dépenses réguliers dépendent de chaque situation, mais on retrouve souvent:
- Le prix de la location d’un cabinet
- Les frais de transport
- Le coût d’une supervision
- L’adhésion à une mutuelle, une complémentaire retraite, etc.
Calculer ses revenus , c’est tout simple… ou presque.
Calcul des revenus potentiels: les éléments à prendre en compte
Pour pouvoir estimer nos revenus nous allons calculer : notre Chiffre d’Affaire (CA) Max, notre CA « Réel » et nos revenus nets.
Ne vous inquiétez pas ce n’est pas si compliqué que cela en a l’air.
Chiffre d’affaire Max
Nous allons d’abord calculer notre revenu brut pour une activité mensuelle maximale, notre Chiffre d’Affaire Max.
Il correspond à ce que nous aurions gagné si tous les patients étaient venus chaque semaine sans que personne ne prenne de vacances ni ne tombe malade.
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Chiffre d’Affaire « réel »
Pour obtenir un chiffre plus proche de la réalité (le CA « Réel » ou Probable), il faut ensuite déduire:
Les vacances : les nôtres et celles des patients qui sont souvent absents en Août et à Noël notamment.
On peut arrondir à 5-6 semaines par an au total au minimum (soit 10% des semaines de l’année), même si le chiffre est sans doute plus élevé (sans doute 15%) en particulier pour les thérapeutes d’enfants (les enfants partent plus souvent en vacances).
Les absences: pour cause de maladie, oubli, etc.
Dans les CMP/CMPP, l’ARS anticipe un taux d’absentéisme de 20%. On peut espérer que ce chiffre soit un peu plus bas pour les psychologues en libéral, disons aux alentours de 15%. Ce chiffre dépend du type de patients (là encore, il sera plus élevé pour les thérapies d’enfants).
On obtient ainsi le Chiffre d’affaire Probable (nos bénéfices avant les dépenses et les charges).
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Revenus nets:
Pour calculer nos bénéfices il faut déduire du chiffre d’affaire « réel » les charges sociales et les impôts. Puis les frais divers (locations, transports, etc.).
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-Charges sociales:
Les charges sociales servent à financer les arrêts maladie, les retraites, les formations, etc. Pour un auto-entrepreneur elles sont de 23 %.
Le calcul est plus complexe si vous êtes aux frais réels (ici nous allons faire le calcul pour un auto-entrepreneur).
Pour en savoir plus sur le régime de frais réel, n’hésitez pas à consulter à ce sujet.
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-Impôts:
Comme vous le savez, ils sont calculés par tranches: les 10.000 premiers € que vous gagnez ne sont pas imposés, les 15.000 € suivants sont imposés à 11%, etc.
Les auto-entrepreneurs bénéficient d’un abattement forfaitaire de 34%, c’est-à-dire qu’ils ne sont imposés que sur 66% de leurs revenus.
Par exemple, si vous n’avez pas de revenu et que vous anticipez de gagner 800€ par mois en libéral,vos revenus en libéral correspondront à la 1ere tranche d’imposition et vous ne serez pas imposés.
Si, par contre, vous gagnez 2000€ par mois en salariat et que vous anticipez de gagner 2000€ brut en libéral, vos revenus en libéral correspondront à la 3e tranche d’imposition et seront imposé à 30%.
Vous pouvez également opter pour le versement libératoire si vous êtes auto-entrepreneur (ce qui semblerait plus avantageux dans le second exemple). C’est souvent une bonne idée dès que vous payez plus de 4% d’impôts de moyenne.
Pour la simplicité de nos exemples, nous allons prendre le cas de l’impôt libératoire.
Pour en savoir plus et pour simuler votre taux d’imposition et vos charges sociales, vous pouvez également aller sur ce site.
Voir aussi mon article sur l’impôt libératoire
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-Dépenses:
Comme nous l’avons dit elles correspondent à tous les frais réguliers que vous pouvez anticiper: location, déplacements, supervision, etc.
Simulation de revenus:
Faire le calcul
Chiffre d’Affaire Max:
Nombre de patient hebdomadaire x Tarif Moyen x 4,3(semaines par mois)
Chiffre d’Affaire « Réel » :
CA Max
– Vacances (~10%)
– Absences (~15%)
= Chiffre d’Affaire « Réel » (bénéfices bruts)
Revenus Net:
CA Réel
– Charges sociales (23%)
– Impôts (Impôt libératoire: 2,2%)
– Dépenses (loyers…)
= Revenus Nets
Exemple
Remarque: j’ai pris des chiffres ronds pour simplifier les calculs :
Arthur prévoit de voir : 10 patients par semaines, pour des séances de 50€, son loyer sera de 300 € pour une journée et demi. Il est auto-entrepreneur, il payera 11% d’impôts, prendra une supervision à 150€ par mois (deux séances).
- CA Max: 10x4x50= 2000€
- CA Réel : 2000 -10% – 15% = 1530€
- Revenus nets: 1530 – 23% (charges sociales) – 2,2% (impots) – 300€ (loyer) – 150€ (supervision) = 697 € par mois
Vous pouvez ensuite faire des simulations en fonction de divers critères:
-Dépenses:
Si Arthur prévoit de s’installer dans un beau bureau à 400€ et de prendre également une complémentaire retraite à 50€ par mois, ses revenus prévus seront de : 547€ par mois
Si par contre il trouve un cabinet libéral moins cher (250€) qu’il se contente d’une intervision gratuite, ses revenus prévus seront de : 897€ par mois.
-prix des séances, nombre de séances par semaines, etc.
Si Arthur garde son idée de départ mais prévoit de faire des séances à 60€, ses revenus seront de : 927€
S’il garde toujours son idée de départ mais qu’il prévoit des séances à 40€, ses revenus seront de : 468€
Et s’il veut le joli bureau, la complémentaire retraite, et faire des séances à 40€, il pourra espérer gagner 318€ au bout de 2 ans, rendant le projet très peu rentable.
Comme on le voit, les montants varient fortement en fonction des choix qui sont faits. Il est donc intéressant de faire des simulations en fonction des dépenses, du prix des séances, etc. Cela permet de savoir de combien il faudrait augmenter le tarif des séances si l’on prend un cabinet dont le loyer est plus cher, si l’on peut prendre une complémentaire retraite, etc.
Vous voyez, la comptabilité, c’est tout simple…
Nombre de créneaux de thérapie et nombre de patients
Calculs théoriques et réalité clinique
Dernier point qui peut être utile, le nombre de créneaux disponibles ne correspond pas au nombre de patients que vous verrez par jour.
En effet, si vous louez un cabinet pour une matinée de 8h à 12h et que vous faites des séances d’une heure vous avez 4 créneaux mais cela ne veut pas dire que vous aurez 4 patients en moyenne tous les matins.
Même en mettant de côté les vacances, les absences, vous risquez de ne pas pouvoir « remplir » (le terme n’est pas très beau désolé) vos créneaux toutes les semaines. En effet, si vous avez des séances à des rythmes d’une fois toute les deux semaines, vous n’allez peut-être pas trouver une personne qui souhaite également une thérapie à ce rythme là, sur ce créneau là. Et si vous voyez des patients une fois par mois, vous n’allez pas trouver quatre patients qui viendraient chacun une semaine sur le même créneau de 10h00, par exemple. Enfin, si un patient arrête sa thérapie, vous n’allez peut-être pas trouver instantanément un patient que vous pourrez voir sur ce créneau.
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Un écart compris entre 10 et 25%
Comme on le voit, le nombre moyen de patients est nécessairement plus petit que le nombre de créneaux théoriques dont vous disposez.
Cet écart varie en fonction de nombreux critères en particulier la fréquence des séances : il est plus facile de gérer un emploi du temps avec des séances hebdomadaires par exemple. En moyenne, je dirai qu’il peut varier entre 10 et 25% selon votre pratique.
Si vous louez à la journée ou que vous travaillez chez vous, cela n’a pas beaucoup d’importance :cela détermine simplement votre amplitude horaire. Cela peut même être intéressant d’avoir des temps de libre dans sa journée et de ne pas enchaîner des séances les unes derrière les autres.
Par contre, si vous louez en soirée ou à la demi-journée, c’est un élément à prendre en compte : 3 heures de créneaux en soirée pour des séances d’une heure ne correspondent pas à 3 patients de moyenne.
Conclusion: penser les chiffres pour laisser la place à la clinique
Pour conclure cette longue succession de chiffres peut vous paraître assez éloignée de ce qui fait sens dans notre travail: voir des patients, penser la relation… Néanmoins, je pense que réfléchir en amont aux questions financières peut permettre de les oublier par la suite. Dès lors que vous n’êtes pas mis en difficulté, la question de potentielles inquiétudes sur l’argent ne vient plus polluer votre travail et vous êtes plus libre de penser la clinique.
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