thérapie brève

Quel est la durée idéale d’une psychothérapie ? Et faut-il qu’une thérapie dure des années pour qu’elle soit efficace ? Voilà des questions que les patients se posent souvent. Mais ils ne sont pas les seuls. Les psychologues (et depuis bien plus longtemps qu’on le croit généralement) se sont également demandés s’il était possible de réduire la durée d’une thérapie.

Le résultat de ces années de réflexions porte un nom un peu fourre-tout : « les thérapies brèves ».

Nous allons le voir, il est possible de faire une psychothérapie sans y passer toute sa vie. Si l’on parfois tendance à penser la thérapie brève comme l’inverse de la psychanalyse qui représenterait l’idéal des thérapies longues, les choses sont loin d’être aussi caricaturales et, en réalité, historiquement, la thérapie brève doit beaucoup à la psychanalyse.

Si vous vous interrogez quant à la possibilité de faire une psychothérapie, j’espère que ce petit détour par l’histoire pourra vous aider dans vos réflexions et dissiper certains malentendus sur la durée d’une thérapie.

thérapie brève : un réveil sur une table

Qu’est-ce qu’une psychothérapie brève ?

A partir de la deuxième moitié du XXe siècle, des psychothérapeutes de différents courants théoriques se sont intéressés à la durée des psychothérapies. En effet, la psychanalyse, qui était à l’époque la théorie dominante permettait de soigner des troubles de plus en plus nombreux mais la durée des traitements posait un problème. Il n’était pas rare qu’une psychothérapie psychanalytique dure de nombreuses années. Cette tendance allait même en s’aggravant, les analyses devenant de plus en plus longues.

Or cela posait des problèmes économiques (soit pour le patient, soit pour le système de santé) mais aussi d’engagement pour les patients qui pouvaient être réticents à l’idée de se lancer dans un travail de plusieurs années.

Un champ de recherches et d’expérimentations va alors voir le jour : les thérapies brèves.

La notion de psychothérapie brève apparaît comme une tentative pour diminuer la durée des thérapies et essayer non pas tant de trouver une technique thérapeutique plus efficace mais plus rapide.

De nos jours, il n’y a pas une seule technique de thérapie brève mais au contraire différentes écoles qui s’intéressent à cette question : thérapies stratégiques, cognitivo-comportementales (t.c.c.), hypnose, thérapies humanistes mais aussi, comme nous allons le voir : psychanalyse.

Psychothérapies brèves et psychanalyse

La France a une sorte de passion pour les oppositions stériles : on a donc tendance à se représenter une opposition entre la psychanalyse qui serait très longue et les autres thérapies qui elles seraient rapides.

D’un côté on aurait des thérapies longues qui « vont au fond des problèmes » à travers la psychanalyse. De l’autre, des thérapies courtes qui « restent en surface » à travers l’utilisation d’autres théories comme le cognitivisme ou le comportementalisme. De là de nombreux débats et anathèmes lancés contre le camp d’en face donnant des psychothérapies une vision clivée peu réjouissante.

Pourtant, ce schéma « psychanalyse versus psychothérapies brèves » n’a pas de raison d’être.

En effet, les psychanalystes, ont d’emblée posé la question de la longueur des cures et de la façon d’y remédier. Freud le premier s’est intéressé à cette question dans « analyse terminable et interminable ».

Psychothérapies psychanalytiques brèves

Sandor Ferenczi, un élève de Freud, a travaillé à chercher des techniques d’« activation » susceptibles de diminuer le nombre des séances de psychothérapies.

Le plus intéressant dans cette recherche est l’hypothèse que les modifications du cadre produisent de nets effets sur l’évolution, le contenu des thérapies. Ces réflexions autour du cadre (c’est-à-dire la manière dont s’organise une thérapie) vont connaître un grand succès par la suite.

Le premier psychanalyste à envisager de tels aménagements fut Franz Alexander, fondateur de l’Institut de psychanalyse de Chicago en 1931.

II propose des traitements planifiés, fondés sur des actions tendant à modifier les conditions de vie réelles du patient, sur des techniques permettant de diminuer les symptômes et sur un maniement particulier du transfert. Pour lui, en se remémorant son histoire, le patient passe par une « expérience émotionnelle correctrice » qui répare l’effet des traumatismes de l’enfance.

Par la suite, de nombreuses autres écoles théoriques se sont intéressées à cette question de la durée des séances : thérapies stratégiques, humanistes, tcc, etc .

Contrairement à une idée tenace la durée d’une thérapie n’est donc pas d’abord liée à la théorie utilisée par le thérapeute.

Quelle sont les spécificités des thérapies brèves ?

Si la différence n’est pas théorique, alors qu’est-ce qui distingue thérapies brèves et thérapies longues (à part leur durée évidemment…) ?

Gillieron, dans un article de 1990, a montré que les thérapies brèves se caractérisaient par des séries de modifications qui permettaient de rendre plus dynamique le processus de la thérapie et qui les distinguent des thérapies « longues »: la durée, la focalisation, la planification.

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Durée : une thérapie brève ne peut pas se limiter à 3 séances

Combien de temps dure une thérapie brève ? Si l’on excepte l’hypnose, les thérapies brèves durent en moyenne une dizaine de séances (10 ou 12 séances dans la plupart des études scientifiques).

Une thérapie brève ne dure donc pas 2 ou 3 séances : dans ce cas, on ne parle pas de psychothérapie mais d’un travail de consultation. Ce travail peut, par exemple, être utile pour établir un premier diagnostique ou pour faire le point sur un événement de vie (divorce, déménagement, deuil notamment).

Ce point est donc essentiel :

Une thérapie brève n’est pas une thérapie instantanée. Elle nécessite une durée minimale de 10 séances environ.

Aucune école théorique crédible ne promet de résoudre un problème psychologique (surtout s’il dure depuis plusieurs années) en une ou deux séances.

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Objectif : des thérapies focalisées sur un problème spécifique

D’une manière générale, les thérapies brèves vont se focaliser sur un problème en particulier. Après avoir défini ce qui fait problème, le thérapeute, même s’il ne se ferme pas de portes, va se centrer sur cette question et la garder en tête dans ses interprétations.

Dans les thérapies brèves, les premiers entretiens sont donc essentiels. Une grande attention est accordée à l’évaluation des difficultés du patient afin de définir précisément la « demande ». Ce travail de la demande fait l’objet d’une élaboration car le patient ne sait pas toujours, en débutant une thérapie, ce qui ne va pas. Il sait qu’il souffre mais il ne sait pas toujours exactement où se situe le problème.

Voir mon article sur la demande

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Déroulement : des thérapies organisées en séquences

Dans les thérapies brèves, le patient sait, d’emblée ou presque, le temps dont il va disposer pour résoudre ses problèmes et le secteur de ses difficultés qui sera abordé.

Classiquement, les thérapies brèves s’organisent autour de quatre grands moments : 

  • La phase d’évaluation :

qui consiste à poser un diagnostic et une plus globalement une description de la difficulté actuelle

  • La phase de focalisation :

Peu à peu le problème à travailler dans la thérapie va émerger. C’est ce problème qui va être l’objet de la thérapie qui ne cherchera donc pas à penser ou à améliorer « tout ce qui ne va pas » mais seulement une difficulté spécifique.

  • La phase d’élaboration :

Le thérapeute et le patient vont chercher à penser ce qui fait problème en explorant les liens avec le passé, ou avec les croyances et les représentations du patient, comprendre ce qui bloque (on parle des « résistances »). Cette phase est différente pour chaque patient et fonction aussi des théories du psychologue.

  • La phase de fin de traitement :

Elle met en jeu un aspect fondamental de toute problématique humaine : la séparation.

C’est sans doute l’effet le plus décisif d’une psychothérapie brève, que de faire particulièrement attention à cette question, douloureuse pour tout être humain.

thérapie brève: une montre sur fond noir

Conclusion : quand est-ce qu’une psychothérapie brève est utile ?

La brève durée du traitement a d’abord été liée à des situations cliniques elles-mêmes limitées dans le temps : situation de crise de vie (séparation, licenciement) , épisodes psychopathologiques aigus lors desquels les symptômes sont particulièrement gênants. Aujourd’hui, les indications des thérapies brèves ont été étendues à différentes problématiques : troubles anxieux, dépression, phobies etc. Toutefois, et d’une manière générale, on part du principe qu’une thérapie brève fonctionnera mieux lorsque les patients ont déjà une idée de leur difficulté et que ces difficultés ne sont pas enkystées depuis des années.

A l’inverse, les troubles psychosomatiques, les troubles de la personnalité ou les psychoses dont le caractère chronique est inhérent à l’évolution, sont à exclure des indications de ces techniques.

Pour résumer (et en simplifiant quelque peu) :

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    • Les psychothérapies brèves sont à privilégier :

Quand les problèmes ne durent pas depuis trop longtemps et qu’ils sont centrés sur une dimension particulière de la vie.

Quand la souffrance psychologique est liée à un événement relativement récent.

Quand le patient arrive à réfléchir à ce qui le fait souffrir.

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    • Les psychothérapies plus longues sont à privilégier :

Quand les problèmes durent depuis des années, qu’ils touchent différents domaine de la vie (travail, maison etc.) ou qu’ils sont difficiles à définir pour le patient.

Les troubles psychologiques « graves » (par leur intensité ou leur nature) nécessitent également en général un traitement plus long. Les questionnements identitaires ou l’analyse de son histoire sont eux aussi plus long à penser dans la plupart des cas.

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  • Et quand on ne sait pas ?

Lorsqu’on ne sait pas exactement si une psychothérapie brève sera suffisante, ne méthode souvent utilisée consiste à penser la psychothérapie en 3 temps :

-le diagnostique qui dure deux ou trois séances

-la psychothérapie qui dure 8 ou 10 séances (ou jusqu’à une date donnée).

-une évaluation de la situation et de l’évolution des difficultés : si les problèmes ont suffisamment diminué la thérapie peut s’arrêter si des difficultés doivent encore être pensées, la thérapie est prolongée.

Pour aller plus loin :

Une présentation de la thérapie brève systémique

Vincent Gérard psychologue, formateur et conférencier présente ici les thérapies brèves stratégiques:

La thérapie brève centrée sur les solutions

Autre exemple de thérapie brève, là encore influencée par la systémie : les thérapies brèves centrées sur la solution, cette fois-ci dans le travail auprès des familles.

une présentation très intéressante par Thérèse Steiner, auteure de La Thérapie orientée vers les solutions.

vincent Joly
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