Qu’est-ce que la symbolisation? Quel sens donne-ton à cette notion dans la psychanalyse contemporaine? Il est difficile de donner une réponse claire à cette question, c‘est pourquoi cet article va emprunter à plusieurs auteurs tout en proposant une sorte de « modèle » actuel.
Remarque:
Cet article appartient a une série d’article publiés sur le site Philautarchie aujourd’hui fermé. Ces articles n’étant plus disponible sur le net, je me suis permis d’en présenter certains. N’hésitez pas à consulter un article que j’avais rédigé en 2008 à ce sujet sur Paradoxa et à consulter le forum Digression qui est en quelque sorte le continuateur de Philautarchie.
Article mis à jour le 20/04/2020
Préambule :
Avant tout chose, sachons qu’il est communément admis que la symbolisation procède par « Aufhebung », c’est-à-dire négation / conservation. La symbolisation ne supprime pas l’état précédent, il y a articulation des différentes strates psychiques. Les différentes strates se succèdent, réorganisant les anciennes. La phase Oedipienne réorganise donc la relation précoce, le tout réorganisé par l’adolescence… L’expérience laisse des traces.
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Archéologie du Psychisme
Traces et pictogrammes chez Piera Aulagnier
Commençons par la matière première du psychisme, les traces psychiques, que Freud appel Traces Mnésiques. C’est ce qui est inscrit sur la surface du psychisme, ce qu’on appellera plus tard, quand la symbolisation sera apparu, le ça, part de soi brut à laquelle nous n’avons pas d’accès direct. Ce sont des traces infraverbales, polysensorielles, de nos expériences, passées, présentes. Nous sommes dans la strate la plus profonde de notre psyché, une surface sur laquelle s’inscrit une expérience indifférenciée, une surface où l’on ne sait pas vraiment qui est l’auteur de l’action (voir les neurones miroir). Les psychotiques ont justement de gros problèmes avec l’organisation de cette strate. Cette strate est la première, et s’origine donc dans la relation précoce, la relation de la mère avec son bébé.
Sur cette surface, il y a les pictogrammes. Il existe deux sortes de pictogrammes, les pictogrammes d’inclusion, là où l’expérience est inscrite dans le sujet, car l’expérience à été suffisamment bonne, et les pictogrammes de rejet, expérience mauvaise, agonistique. Sur les pictogramme d’inclusion se bâtit le corpus symbolique du sujet, le champ représentatif, la subjectivité.Sur les pictogrammes de rejet, le sujet face à l’agonie, n’a que la possibilité de se retirer de l’expérience. Se retirer de l’expérience, c’est se cliver. En gros, c’est comme si on a mal à sa main, alors comme solution, on se coupe la main, comme ça on en parle plus. Tout le monde possède des parts clivés, des parts de soi psychotique, brutes, folles, la Folie Privée dit Green. Ce sont des zones de malaise profond…
A partir de cette surface première, où la symbolisation Primaire s’effectue. C’est le passage de la surface de traces, du ça, à l’inconscient symbolique, l’inconscient comme lieu de représentation.
Une expérience bonne est intégrée, une expérience agonistique est clivée. Le clivage est une amputation psychique, on enlève un bout du sujet. Ca reste à l’état de traces. Ce sont des îlots psychotiques. Si ces îlots ne sont pas symbolisés, il feront retour, sous forme d’hallucinations, délires, psychosomatisation… Le corps gardent les traces non symbolisé.
L’Accordage mère-enfant chez Winnicott
Comment un pictogramme est-il intégré ou rejeté ? Il est très difficile de répondre à une telle question, mais pour simplifier, retenons le holding de Winnicott. Observez donc une mère avec son enfant, la mère va envelopper de ses bras le petit bébé, lui procurant une enveloppe de protection. Mieux, selon la terminologie de Daniel Stern, la mère va s’accorder à son bébé. Lorsque l’on regarde des vidéos au ralenti, vous pourrez voir, si la mère est suffisamment bonne, les mouvements de la mère se mettre en miroir de ceux de l’enfant. Dans une interaction, progressivement, on voit la mère et le bébé faire les mêmes mouvements, et le bébé face à cet accordage jubile. Le monde s’accorde à lui, rythmiquement, sur des rythmes complexes, variés. Dans cette danse, où la mère est un miroir, mais un miroir qui ouvre vers l’altérité, le sens apparaît, la mère donne du sens aux éprouvés corporels. L’autre donne du sens a mes éprouvés corporels.
Mais c’est un procédé qui, adulte, continue de s’éprouver. Vous parler avec quelqu’un, que vous ne connaissez pas, il y a des accroches de communication, puis, vous vous accordez, mutuellement. Vous dansez. Ainsi, la spontanéité du bébé, l’idiosyncrasie, doit trouver à se réaliser dans le monde, doit trouver un miroir, miroir qui contient l’expérience, sinon elle est vécu comme une agonie terrible. L’autre doit devenir un Moi Auxiliaire dit André Green, pour pouvoir me soutenir.
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La Symbolisation
Le bébé en nous, zone de processus primaires, est placé d’emblée face au monde, lieu de secondarisation: Au temps flexible, personnel, se confronte le temps chronologique. A l’affirmation spontanée se confronte la temporalisation, l’attente. À l’idiosyncrasie se confronte la convention. Attendre, différer son plaisir, c’est tout un travail de gestion de sa partie spontanée face à la réalité.
La régression n’est pas alors un retour à un stade antérieur, mais l’activation de la partie primaire de moi, face au monde. Le rêve est un bon exemple de processus primaire à l’œuvre. Remarquez donc quand vous êtes en train de vous endormir, vos pensées sont à la frontière entre le réel, le secondaire, et la débilité profonde. L’un des enjeux psychiques est d’avoir de la souplesse, du jeu possible, entre le primaire et le secondaire. Et cette souplesse, ce travail, se mouline, c’est le Transitionnel. Le jeu, le transitionnel est le processus transversal à toutes ces dimensions. C’est acquérir de la souplesse, c’est faire du non-moi, du moi, bref c’est symboliser. Ainsi la trace, inscription d’une matière première polysensorielle, polyphonique, intemporelle, personnelle, va s’organiser face à l’acquisition du langage. En effet, le langage, c’est la loi, car on ne parle pas n’importe comment, on parle selon des règles, des conventions.
De la Trace à la Chose
On transmute alors la trace en chose. Qu’est-ce donc que se représenter? C’est faire intérieurement une copie du monde, pas une copie exact, une copie avec plus ou moins de souplesse. Winnicott dit que le bébé doit créer le monde en même temps qu’il le trouve. C’est le Trouvé / Créé. Le monde doit soutenir de par sa consistance ma réalité personnelle… sinon, je considère ça comme un Fantasme. Le Fantasme, c’est du sens pas soutenu par le réel…Ce passage de la trace sensoriel à la représentation de chose, c’est la symbolisation primaire (Roussillon).
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De la Chose au Mot
De même, la symbolisation secondaire, va faire passer de l’inconscient, de la représentation de chose, à la conscience. Si le raté de la symbolisation primaire est le clivage, le raté de la symbolisation secondaire est le refoulement.
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Le conservé du symbolisé
Mais comme dit en préambule, la transformation d’un élément en un autre va créer un reste, un reste qui va lester le nouvel élément. Par exemple, un mot est lesté, peut avoir de la force, la rythmicité sensorielle se retrouve dans l’écriture. Voyez donc ce texte de Proust, où l’asthme transparait à travers la structure syntaxique.
« Quand je pense maintenant que mon amie était venue, à notre retour de Balbec, habiter à Paris sous le même toit que moi, qu’elle ait renoncé à l’idée d’aller faire une croisière, qu’elle avait sa chambre à vingt pas de la mienne, au bout du couloir, dans le cabinet à tapisserie de mon père, et que chaque soir, fort tard avant de me quitter, elle glissait dans ma bouche sa langue, comme pain quotidien, comme un aliment nourrissant et ayant le caractère presque sacré de toute chair à qui les souffrances que nous avons endurées à cause d’elle ont fini par conférer une sorte de douceur morale, ce que j’évoque aussitôt par comparaison, ce n’est pas la nuit que la capitaine de Boridino me permit de passer au quartier par une faveur qui ne guérissait en somme qu’un malaise éphémère, mais celle où mon père envoya maman dormir dans le petit lit à côté du mien »
(Marcel Proust, A la recherche du temps perdu) »
Ne ressentez vous pas ici quelque chose d’autre que les mots? Normalement, vous avez été essoufflé par la longueur de cette phrase, et par son rythme, Proust vous fait ici vivre son asthme, le sensible émerge, submerge la platitude des mots, extase du langage.
Dans ce passage ci, on peut retrouver les vécus d’éclatement, de chaotisation:
« La maîtresse arche saute; éclate! … Creuse un gouffre dans la chaussée, une béance énorme… un cratère où tout s’engouffre! »
(Louis-Ferdinand Céline, Guignols Band)
Voyez la confusion qui transparait dans le texte. Un autre auteur intéressant à cet égard est Rachid Boudjedra qui bouleverse totalement la syntaxe, afin d’exprimer la confusion que provoque la ville.
Enfin, un dernier exemple, où la sensorialité est totalement en rapport d’immanence aux mots:
« Les ondoyants cheveux du sillon blondissant »
(Du Bellay, Les Antiquités de Rome)
Ne ressentez vous pas dans cette phrase le mouvement du vent à travers le champ de blé?
Le raté du symbolisé
L’articulation entre les 3 dimensions, la trace, la chose et le mot se ressent dans ces exemples, mais aussi dans les conversations. Il y a parfois des dysfonctionnements, des ratés d’articulations… quand quelqu’un vous parle tout en se grattant, et vous dit que tout va bien. Parfois, l’angoisse ne passe pas par les mots, et reste bloqué au niveau du corps, comme quand vous ressentez une violente envie de faire caca avant vos examens… Votre corps portent des traces, des traces qui ne sont pas forcément passés par le statut du mot, et encore moins de la chose. Ces traces s’expriment malgré tout.
Lorsque quelque chose vous sidère, ça vous fait comme un noyau en vous, une boule dans le ventre en somme… et vous devez la traiter. Par exemple, vous rentrez d’une journée de boulot harassante, vous en parlez à votre compagne, et l’épuisement qui s’abattait sur vous tend à disparaître. Ce corps étranger qui était en vous, en négatif de votre subjectivité, vous en parlez, vous le travaillez, le moulinez, vous en faites du vous… Bref, vous passez de la trace au Sens. Le non symbolisé qui vous submergeait, vous débordait, bien maintenant trouver des points de contenance. Au lieu d’évacuer, vous symbolisez. Conclusion Nous avons ainsi une sorte de modèle générique… L’inscription sensoriel, la question de l’évacuation et du passage à l’autre dans le processus de symbolisation sont des points plutôt admis.
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c’est à chaque foisvtrès sympa de parcourir tonblog 😉
Puisqu ‘il s’agit d’un spam, tu pourrais au moins ne pas faire de faute d’orthographe 🙂
Salut !
pourrais tu me donner la référence pour ta définition de la symbolisation primaire selon Roussillon ?
Malheureusement je ne peux pas car l’article n’est pas de moi. Et l’auteur, ancien membre de Philautarchie, site aujourd’hui fermé, a disparu dans les méandres de la toile virtuelle 🙂
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Bonjour, je n’ai pas les références de l’article de Roussillon en question, mais il semble qu’une version numérique de cette article soit disponible ici: http://elendil.univ-lyon2.fr/psycho2/IMG/pdf/doc-226.pdf
Bon, ce lien ne fonctionne plus depuis 2012. Quant à l’article, il est i téressant mais pas tout a fait limpide, comme peut-être la notion même de symbolisation qui n’est pas si claire que ça. Il y a celle de fantasme inconscient chez Freud, tant que le symptôme s’y rattache, on est dans le symbolisé. Ça renvoie au langage mais aussi à des images. Et puis il y a des boules dans le ventre qui s’installent sans qu’on arrive à trouver et le sens, un sens assez fort pour dénouer la boule. Alors, on essaie de la dénouer autrement, avec du shit ou de l’alcool…
Bonjour, pour tous les podcasts de René Roussillon, connectez vous sur l’université Lumière Lyon 2. Sinon parcourez son imposant manuel de psychologie et psychopathologie clinique ( déjà une 2 ème édition). Vous trouverez aussi pas de de vidéo sur Youtube.