Quelle thérapie est la plus efficace ? La question est importante et une rapide recherche sur internet risque de s’avérer très décevante : On y lit de nombreux articles vantant telle ou telle méthode « scientifiquement prouvée » (comme si les autres ne l’étaient pas) voire même « la seule méthode prouvée scientifiquement ».
Il est donc important de faire le point avec un peu plus d’objectivité (évidemment le point de vue reste le mien mais j’essaye au moins de m’appuyer sur des articles récents).
Il existe, en France, plus de 400 formes de psychothérapies différentes. Cette variété peut impressionner. De nombreux patients ont ainsi tendance à choisir leur psychothérapeute en fonction du type de thérapie qu’il pratique. Pourtant, ce n’est sans doute pas le meilleur critère.
.
.
Rappel préalable : les thérapies sont efficaces
Depuis les années 70, de nombreuses études ont permis de montrer que les psychothérapies sont efficaces, bien plus efficaces que de chercher à résoudre ses difficultés seul ou à travers les conseils de ses amis ou de sa famille.
Pour en savoir plus n’hésitez pas à consulter mon article sur l’efficacité des psychothérapies.
.
Quelle psychothérapie choisir ? : Récapitulatif rapide
Lorsque l’on cherche un psychologue, un certain nombre de questions peuvent nous venir à l’esprit et on peut se demander :
- Quel type de thérapie privilégier ?
- Existe t-il une thérapie plus efficace que les autres ?
- Certaines thérapies sont-elles scientifiquement prouvées ?
- Ne pourrait-on pas construire une sorte de tableau qui dirait quelle thérapie il faut utiliser en fonction de quels troubles psychiques ?
.
De nombreuses études et recherches ont été entreprises au cours de ces 25 dernières années. Après de nombreux débats et hésitations, un consensus s’est peu à peu imposé depuis dix ans.
Leurs conclusions, que nous allons développer dans cet article, sont les suivantes :
- Aucune des grandes écoles de psychothérapies (cognitivisme, psychanalyse, thérapie familiale systémique, thérapie humaniste…) n’est meilleure ou plus efficace qu’une autre.
- Il n’existe pas de type de thérapies plus « scientifiquement prouvées » que d’autre.
- On ne peut pas faire correspondre un type de pathologie à un type de thérapie.
.
Aucune psychothérapie n’est plus efficace qu’une autre
Comme l’écrit, Jean-nicolas Despland, Psychiatre-psychothérapeute, professeur à la Faculté de biologie et médecine de Lausanne, directeur de l’Institut Universitaire de Psychothérapie:
« On peut considérer que le débat portant sur la question des différences entre les écoles de psychothérapie est obsolète. »
En effet, pour l’auteur de « Quelle psychothérapie pour quel patient ? Données de recherche et problèmes cliniques », beaucoup de chercheurs qui ont tenté de comparer les différentes psychothérapies estiment aujourd’hui que cette question «n’a plus de sens et représente une perte de temps et d’argent. »
De la même façon, pour Louise Nadeau, professeure à l’Université de Montréal :« étude après étude, quelle que soit la psychopathologie étudiée, toutes les approches théoriques mises à l’épreuve s’avèrent à peu près également efficaces »
En effet, de très nombreuses études ont cherché à comparer les méthodes de thérapie les plus utilisées. Les résultats se sont révélés peu concluants, contradictoires, les différences étant très faibles ou nulles.
.
Du point de vue de la recherche la situation est donc à la fois simple et paradoxale :
on peut montrer que les psychothérapies sont efficaces mais on ne peut pas montrer qu’une méthode est plus performante qu’une autre.
.
Comparaison des psychothérapies : le grand flou médiatique
Pourtant, dans les médias grand public, la situation est loin d’être aussi claire et l’on continue à parler de comparaison entre les thérapies, de la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) comme la seule thérapie scientifiquement prouvée ou de tableaux faisant correspondre telle maladie à telle thérapie (la tcc pour les phobies, la systémie pour les tca etc.)…
Les exemples de ce genre sont nombreux, ainsi :
- L’article de wikipedia sur les psychothérapies parle encore (Mars 2018) de comparaisons entre les différentes écoles et laisse entendre que certaines seraient plus efficaces que d’autres.
- Un article de 2015 de santé-guérir parle de l’efficacité de certaines thérapies en fonction des troubles (lire l’article)
- De nombreux collègues (que l’éthique ne me permet pas de citer) parlent de la thérapie cognitivo-comportementale (tcc), de la PNL, ou de l’EMDR comme « la seule thérapie scientifiquement prouvée ».
- De nombreux articles revenant sur la querelle entre psychanalyse et tcc reprennent le résultat d’études totalement obsolètes (les exemples sont innombrables)
- Un article fournit même un tableau faisant correspondre tel type de trouble avec tel type de psychothérapie. Ce genre de tableau, dont le choix des psychothérapies est, de plus, particulièrement farfelu, est en totale contradiction avec le consensus scientifique actuel sur les psychothérapies.
Pourquoi un tel écart entre le point de vue des scientifiques et celui des médias grand public ?
Il est lié à un débat entre psychanalystes et cognitivistes qui a eu lieu au début du XXIe siècle et qui a créé une grande confusion.
.
Évaluation des thérapies: le malheureux rapport de l’Inserm
A la fin des années 90, après que de nombreuses études aient pu démontrer l’efficacité des psychothérapies d’une manière générale, les chercheurs ont voulu passer à une nouvelle question : quelles sont les thérapies les plus efficaces ?
En 2004, l’Inserm a voulu synthétiser dans un rapport l’état du moment de la recherche abandonnant la prudence des chercheurs qui soulignaient que leurs conclusions n’étaient pas définitives. Le rapport concluait que les thérapies cognitivo-comportementales étaient plus efficaces que les autres méthodes.
Ce rapport entraîna un débat brouillon entre partisans et opposants des thérapies cognitivo-comportementales, à travers des articles mêlant arguments publicitaires et attaques gratuites. La psychologie ne sortit malheureusement pas grandie de cette triste parenthèse et de nombreux journalistes grand public ou des thérapeutes mal informés en restèrent là et conservèrent la croyance en la supériorité de certaines pratiques thérapeutiques sur d’autres.
Pour en savoir plus : voir notre article sur le rapport de l’Inserm
.
Évaluation des psychothérapies: le consensus actuel
Pendant ce temps, les chercheurs continuèrent leur travail. Ils ont mené d’autres études, ont analysé plus en détail la méthodologie de celles déjà publiées et sont rapidement parvenus à des conclusions beaucoup plus solides et très différentes. Ils ont découvert que :
- Les études qui comparaient les thérapies étaient souvent mal construites
- Les principales thérapies étaient, en fait, toutes aussi efficaces
.
Des facteurs communs à toutes les thérapies en expliquent la réussite
Le débat sur l’efficacité des thérapies fut très médiatisé et éclipsa les véritables résultats des études comparant les psychothérapies.
En réalité, les chercheurs savent depuis les années 70 que la méthode utilisée n’est pas le meilleur moyen de rendre compte de la réussite ou de l‘échec d’une thérapie.
D’autres facteurs sont bien plus déterminants tels que :
- le lien entre le thérapeute et le patient (l‘alliance thérapeutique)
- la personnalité du thérapeute et celle du patient
- des facteurs extérieurs à la thérapie, etc.
.
Dès 2001, B.E. Wampold, professeur émérite à l’université du Wisconsin, étudiait dans une « méta-analyse » (une synthèse de nombreuses études antérieures) l’efficacité des psychothérapies. Selon lui :
- 8 % des différences de résultat était lié à des différences entre les types de thérapie
- 92 % était lié à des « facteurs communs » à toutes les thérapies
Trois ans plus tard, en France, le débat faisait rage pour savoir si, sur ces 8 %, des études mal construites pourraient permettre de savoir quelle forme de thérapie était la plus « scientifique ». On ne peut pas dire que, sur ce point, la France était à la pointe du progrès…
.
Retour au Dodo bird Verdict : toutes les psychothérapies se valent
Après toute cette agitation politico-médiatique, les chercheurs en sont revenus à ce que Saul Rosenzweig avait nommé dès 1936 (!) le « Dodo Bird Verdict », c’est-à-dire le paradoxe qui veut que l’on arrive à montrer que les thérapies sont efficaces mais que l’on n’arrive pas à prouver à travers des études que telle forme de thérapie est plus efficace qu’une autre.
A travers ce « verdict du Dodo », Rozenweig faisait référence avec humour à un célèbre passage d’Alice au pays des merveilles. Dans celui-ci, après une course où des animaux courent dans tous les sens sans ligne de départ ni de ligne d’arrivée, le Dodo déclarait : « Tout le monde a gagné, tout le monde doit avoir un cadeau ».
Le Dodo Bird Verdict n’a néanmoins pas été établi pour toutes les formes de psychothérapie. On parle ici des principales écoles (psychodynamique, tcc, systémie, thérapie humaniste), les formes de psychothérapies moins pratiquées n’ont pas forcément pu être évaluées (par manque de moyens, de praticiens etc.) et il est plus difficile de savoir dans leur cas si elles sont aussi efficace.
La Mivilude (qui lutte contre les pratiques sectaires) alerte même sur certaines pratiques thérapeutiques dont elle craint qu’elles ne puissent servir de porte d’entrée vers des dérives sectaires : le channeling, les enfants « indigo » et la « communication facilitée » sont notamment pointées du doigt (cf.le site de la Mivilude). Toutes les thérapies ne sont donc pas également pertinentes loin s’en faut…
.
La course du Dodo vue par Walt Disney dans Alice in Wonderland sorti en 1951:
.
Conclusion
La querelle entre psychanalyse et tcc en France, et la passion du débat ces dix dernières années a rendu confuse une situation qui ne devrait pas l’être au vu des études de ces dernières années. Il serait d’ailleurs important que les médias grand public prennent le temps d’étudier plus en profondeur leur sujet plutôt que de se jeter sur le premier sujet polémique venu afin de « faire le buzz ».
Le type de psychothérapie n’est pas un critère pertinent pour évaluer l’efficacité d’une psychothérapie. Je ne vous conseille donc pas de lui accorder trop d’importance dans votre choix d’un psychothérapeute. A l’inverse, il existe d’autres critères plus importants qui permettent de choisir au mieux son thérapeute.
- mentions légales - 18 octobre 2022
- Aide à l’installation libérale - 18 juillet 2022
- Supervision, intervision, groupe d’analyse des pratiques, : quelles différences ? - 18 juillet 2022
Donc est-ce qu’il est rare pour un patient qu’un type de psychothérapie l’aide beaucoup alors qu’un autre type de psychothérapie ne l’aidait pas du tout?
Ma petite amie a beaucoup de traumatismes non-résolus que la thérapie « classique » (parler, écouter, puis ça s’arrête là) n’aidait pas du tout (et je pense que les praticiens n’étaient surtout pas très professionnels). Du coup, je lui ai recommandé la TCC vu qu’elle semble être plus adaptée selon certains témoignages pour traiter les TSPT, le TDM, etc… et qu’apparemment elle est plus spécifique.
N’y a-t-il pas de méthode plus adaptée à certains patients ? Tout se joue selon le praticien ?
Bonjour,
je vous remercie pour votre remarque et je pense qu’en effet vous avez raison.
Certains patients vont d’avantage accrocher avec un certain type de méthode plutôt qu’avec une autre. Exemple caricatural, un patient phobique des chevaux risque de ne pas apprécier l’équithérapie 🙂 .
Mais il est souvent difficile de faire la différence entre le thérapeute et sa méthode, chaque thérapeute adaptant sa pratique en fonction de sa personnalité sans même s’en rendre compte. Certains psychanalystes son très bavards tandis que d’autres sont très silencieux, etc.
D’autant plus qu’au delà des écoles il existe de nombreuses sous-écoles : des dizaines d’écoles de psychanalyse différentes, des méthodes très différentes qui se réclament de la tcc (vous pouvez faire de la méditation ou au contraire baser toutes vos séances sur des exercices rééducatifs tout en vous réclamant des tcc).
D’où l’importance de prendre le temps de rencontrer son thérapeute et de voir si « on accroche » quitte à en voir un autre si jamais on ne sent pas à l’aise.
Pour revenir sur le cas de votre amie, je pense qu’en effet il peut-être intéressant, après en avoir discuté avec son thérapeute, de tester d’autres méthodes de thérapie si jamais on sent que l’on n’avance pas depuis trop longtemps dans sa psychothérapie.
Cordialement,
Vincent Joly
Merci pour cet article, j’ai cependant 2 remarques : quelles sources avez vous concernant le chiffre de 400 psychothérapies différentes ? Deuxièmement, effectivement bon nombre de méta analyses confirment l’effet dodo, mais au moins autant retrouvent une différence (très souvent à l’avantage des TCC, globalement quel que soit la pathologie étudiée).
Bonjour, merci pour vos questions !
Le chiffre des 400 thérapies est tiré du que sais-je sur les psychothérapies (qui date un peu donc ce nombre a sans doute augmenté depuis).
En ce qui concerne l’efficacité des thérapies : toutes les études (quelques soient les résultats vis-à-vis des tcc) prouvent que le type de thérapie utilisé n’est pas le principal facteur de réussite des thérapies. L’alliance thérapeutique, la « motivation » du patient ou les « qualités » du thérapeute ont un poids beaucoup, beaucoup plus important. Ce point est souvent passé rapidement alors qu’il fait consensus est me semble essentiel. Ensuite concernant le type de thérapie utilisé : ce facteur est peu prédictif (là encore, cela fait consensus) et certaines études voient en effet une différence (souvent assez marginale toutefois) entre les thérapies d’autres non…