Quelle image nous construisons-nous de nous-même? Pourquoi nous identifions-nous à certaines traits de caractères, à certaines situations? La notion de scénario de vie est intéressante car elle aide à mieux comprendre la manière dont nous forgeons notre identité.
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Scénario de vie : construire le récit du film de sa vie
On peut imaginer le développement de la personnalité de manière analogue à celle de l’écorce d’un arbre. Chaque période se superpose à la précédente comme on le voit pour les arbres lorsque l’on en étudie les stries.
En s’imaginant creuser dans cet arbre métaphorique, il est possible de retourner jusque des couches qui correspondent à notre adolescence ou à notre enfance. Il s’agit alors de ‘’regarder’’ comment nous nous représentons la personne que nous étions à cet âge-là. Nous connaissons plutôt bien cette image de nous plus jeune, d’ailleurs, certain souvenirs habituels remontent rapidement en mémoire. Pourtant, si nous écoutons plus intensément, nous pourrons avoir accès à des aspects plus vivants de notre passé. Ainsi, au cours d’une thérapie ou parfois dans le hasard d’une situation, des souvenirs inhabituels émergent. Ceux-ci peuvent alors nous surprendre car ils font remonter à la surface des facettes de nous plus jeune que nous avions complètement oubliées.
Ainsi, si nous nous penchons sur notre passé, la première image qui nous vient en tête correspond à une représentation condensée de tout un ensemble d’expériences de vie. Mais, comme nous employons des stéréotypes et de grandes catégories pour définir les éléments du Monde extérieur, les résumés que nous faisons de nous-mêmes sont également déformés par des filtres.
Imaginons un personnage : Julie. Alors qu’elle a 12 ans, participe à une classe transplantée avec sa classe. Le séjour se passe, avec des hauts et des bas, mais le dernier soir avant de rentrer, ils organisent une soirée dansante. Pour bien comprendre l’extrême importance de cette soirée pour Julie, il faut savoir qu’elle est secrètement amoureuse d’un garçon. Elle est très timide, et donc, pour elle, le simple fait de danser avec lui serait un rêve. Le fait que cette danse ait lieu ou non, aura des conséquences sur son ressenti global vis-à-vis de cette classe verte, mais peut être aussi de tout le trimestre, ou même de toute cette année de collège. Si elle a pu danser avec lui et qu’ils se sont échangés un sourire, son souvenir sera alors complètement idéalisé. Pourtant, cet instant joue comme l’arbre qui cache la forêt. En écoutant plus attentivement ses souvenirs de cette classe transplantée, elle pourrait se rappeler d’une dispute où elle s’est montrée particulièrement agressive et méprisante envers une amie. Et que son Roman de vie a valorisé l’histoire de la timide demoiselle qui danse avec son prince le soir du bal au lieu de d’une histoire d’une fille nerveuse qui évacue son stress sur une amie un peu trop gentille…
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Le scénario de vie: une construction mentale
Une construction subjective
Le roman de notre vie ne raconte qu’une certaine facette de notre vécu. Ce n’est qu’une représentation, c’est-à-dire une reconstruction mentale. Celle qui arrange notre Moi. La définition que nous avons de nous-même va, dès lors, se légitimer par notre scénario de vie. Ainsi, la construction que nous pouvons faire de notre histoire, et celle que nous pouvons faire de notre compréhension du Monde extérieur, utilisent les mêmes stratégies. Il s’agit de composantes. Comme nous l’avons vu, ces composantes sont toutes autant des filtres d’analyse que des commandes de comportements et d’actions.
Imaginons un couple qui se dispute. Les deux diront que l’autre est de mauvaise foi et ne veut pas reconnaitre ses torts. En fait, ils ont tous deux une représentation différente de leur histoire commune et des difficultés de leur couple. Ainsi, les sous-entendus, les non-dits et même les phrases explicites seront analysées différemment. Les deux savent ‘’parfaitement’’ comment l’autre fonctionne que ce soit par le discours, les mimiques, les gestuelles ou tout simplement ses habitudes. Constamment noyés dans notre Roman de vie, nous sommes persuadés de nous connaitre suffisamment pour ne pas avoir à nous remettre en question.
Les souvenirs-écran
Un autre aspect de notre mémoire sélective est plus surprenant. Il s’agit du souvenir écran. Ce souvenir, le plus souvent rattaché à l’enfance ou à la petite enfance, nous semble aussi réel que n’importe quelle autre tranche de vie mémorisée, alors qu’il s’agit en fait d’une construction. Dans les faits, nous pouvons, par exemple, avoir en tête un souvenir lointain d’un après-midi où il y avait eu une grande dispute entre les parents, et où nous nous étions cachés en haut des escaliers pour espionner ce qui se passait dans le salon. Ce souvenir, bien que très fort, est une construction, au même titre qu’un rêve. En effet, en en parlant à quelqu’un on peut se rendre compte qu’à cet âge-là la famille vivait dans un appartement sans étage et que la maison où se trouve cette scène était en fait dans la famille cinq ans plus tard. Il s’agit souvent de petits indices qui permettent de prendre conscience de l’impossibilité d’un souvenir. Le souvenir écran est alors à interpréter comme on le fait avec un rêve. Il s’agit d’une histoire que nous nous sommes construite pour exprimer certains aspects de notre ressenti. Donc, en cela, les souvenir écran montrent autant qu’ils cachent.
Notre mémoire est, chez la plupart des gens, très malléable. Les souvenirs sont déformés, compressés, réinterprétés et sélectionnés en fonction de la situation actuelle.
Ainsi notre passé nous est propre et fondamentalement subjectif. Il est transformé dans l’instant par les filtres, il est ensuite balloté par les torrents d’émotions qui nous ont traversé au fil du temps, il est teinté par les souvenirs proches et les ressassements qui peuvent le caricaturer, et finalement, il sera déformé, par le contexte présent, au moment où il émergera à la conscience pour être raconté.
Bien entendu la majorité des souvenirs sont globalement vrais mais jamais à 100%. En fait, notre esprit ne cherche pas à être neutre, il analyse l’environnement pour s’y adapter mais aussi, et surtout, pour vérifier la solidité de sa cohérence interne.
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Les grandes formes de scénarios de vie
Notre « roman de vie » suit des logiques très personnelles dans le détail mais finalement assez rudimentaires au niveau de sa trame centrale.
Jean Cottraux, psychiatre comportementaliste, a développé dans son livre « la répétition des scénarios de vie », le modèle LIR pour synthétiser les différents mythes personnels.
Il met en évidence trois dimensions de la personnalité : la Logique, l’Impulsivité et la Relation de dépendance (d’où LIR). Chacun de ces traits fonctionne par paire d’opposés.
La dimension L : La pensée logique s’oppose à la pensée magique.
Cette pensée magique est proche de celle du jeune enfant alors que la logique survient plus tard dans le développement (la pensée abstraite émerge vers 12 ans selon Piaget). Les scénarios de vie les plus magiques peuvent donc être associés à des esprits moins structurés (personnalités paranoïaques, schizoïdes et schizotypiques).
La dimension I : L’impulsivité fait face à l’autocontrôle.
L’impulsivité et le narcissisme regroupent les traits de personnalités égocentriques souvent obnubilées par leur image (personnalités narcissique, limites et histrioniques). A l’inverse, l’autocontrôle correspond à l’oubli de soi pour des causes nobles, l’importance de l’amitié et de l’intelligence.
La dimension R : La relation de dépendance et l’autonomie.
La dépendance, la passivité, l’évitement, l’obsession et la toxicomanie se regroupe dans la catégorie des relations de dépendance alors que l’autonomie regroupe les personnalités antisociales et narcissique. De plus, les personnalités limites et histrioniques ont tendance à osciller entre ces deux pôles.
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Présentation des scénarios de vie par la chaîne Psychorama
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