Dans son chapitre sur la honte, le psychologue Jean-Marie Robine décrit un écueil potentiel des supervisions : le repli sur une orthodoxie obtuse.
Le risque qu’il décrit est particulièrement intéressant en ce qu’il correspond pour moi à une forme d’anti-modèle absolu de ce qu’est la supervision. J’aurais tendance à penser que ce genre d’écueil est fort heureusement très minoritaire. L’analyse qu’en donne J-M Robine n’en reste pas moins très intéressante en ce qu’elle décrit la façon dont la supervision doit s’articuler à la théorie de manière à aider à penser et non à transmettre une vision doctrinale.
« L’inculture d’un certain nombre de psychothérapeutes et psychanalystes quant aux approches qui ne sont pas la leur est massive et inquiétante. A mes yeux, elle dénote une fermeture à l’expérience d’autrui lorsque cette expérience n’est pas filtrée par un système d’hypothèses théoriques qui, en évitant toute confrontation et toute dialectique, ressemble rapidement à un fanatisme religieux. Dans un tel contexte, oser penser avec des concepts non estampillés par l’École, oser renoncer à des settings ritualisées mais sans signification ni pertinence dans tel cas particulier, bref : oser l’engagement de soi hors des abris et tranchées fournis par l’Institution, c’est prendre le risque d’être honni, rejeté, exclu de la société de pairs.
Un exemple:
Thérapeute : -… Concernant le moment de la séance, j’ai pensé que ce patient pouvait mettre en jeu un processus d’identification projective à mon égard…
Superviseur :- Qu’est-ce que c’est que ça, « identification projective » ? … Tu fais appel à la magie maintenant ?
Que communique ainsi le superviseur ? Qu’il a quelque connaissance du concept mais qu’il en dénigre et rejette l’usage. Le sarcasme qu’il introduit dans son propos manie l’humiliation et place le supervisé dans la honte. Il humilie le psychothérapeute qui fait usage d’un concept qui ne relève pas de ses références théoriques propres. Il humilie en invalidant l’approche qui préconise un tel concept. Il humilie en ironisant sur celui qui n’aurait pas l’aptitude à discerner entre les approches « certifiées conformes » et les approches ésotériques charlatanesques.
[…]
L’expérience du supervisé doit faire l’objet d’une considération fondamentale au même titre que l’expérience du patient, même si celle-ci ne coïncide ni avec l’expérience, ni avec les croyances, ni avec l’appareil théorique du psychothérapeute. Si le superviseur espère contribuer au professionnalisme de psychothérapeutes qui accueillent et respectent l’expérience de leurs patients, il est nécessaire qu’il manifeste la même qualité de présence à l’égard des supervisés qu’il accompagne ».
Source de l’article:
Jean-Marie Robine, « La Honte en supervision », in Alain Delourme, Edmond Marc et al., La Supervision en psychanalyse et en psychothérapie, Paris, Dunod, 2007.
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