La séparation amoureuse ou le divorce sont devenus des événements de vie fréquents depuis la seconde moitié du XXe siècle. Cette plus grande facilité à se séparer a de nombreux effets bénéfiques et a notamment contribué à diminuer les violences et les homicides conjugaux (qui restent pourtant encore trop nombreux).
Néanmoins, la séparation n’est pas un événement anodin. Moment de fragilité, elle peut raviver des blessures ou des angoisses anciennes et déboucher sur un processus dépressif potentiellement dangereux.
Explorons donc ensemble ce qu’il en est de la souffrance de la rupture.
Panorama des unions en France
Depuis la seconde moitié du XXe siècle, les couples restent en moyenne moins longtemps ensemble et se séparent plus souvent.
Bien que les couples restent majoritaires en France, la part de personnes seules ou séparées a beaucoup augmenté depuis deux générations. Ainsi, d’après une étude menée par l’Insee en 2015, en France, 66% des personnes sont en couple, 18% sont actuellement séparées, et 15% n’ont jamais été en couple.
Les trajectoires de vie sont donc plus diversifiées. Il est devenu plus banal de se séparer puis de se remettre en couple ou de vivre seul.
Quelques chiffres sur les séparations
Environ 290 000 couples se séparent chaque année.
20% des français se séparent après cinq ans de vie commune en moyenne.
La moitié des unions durent moins de 35ans
Un quart des personnes ayant entre 25 et 65 ans ont vécu se sont séparé puis ont habité avec une autre personne au moins une fois.
Qui a le plus de risques de se séparer?
Les vérités statistiques sont bien sûr toujours à prendre avec des pincettes. Toutefois, pour les statisticiens, certaines personnes ont statistiquement plus de risques de se séparer :
.Les couples récents:
Le risque de séparation est le plus élevé au cours des deux premières années.
.Les couples en union libre:
Toutes choses égales par ailleurs, les couples en union libre ont 60% de risque en plus de se séparer que les couples mariés ou pacsés.
.Les couples dont les enfants ont plus de 5ans:
les personnes se séparent en moyenne deux fois moins que lorsqu’ils sont plus grands.
.Les personnes dont les parents se sont séparés quand ils étaient enfants:
La probabilité de rompre est plus élevée de 70% environ pour les enfants de parents séparés.
.Les personnes qui emménagent ensemble rapidement:
En moyenne les personnes qui emménagent ensemble rapidement ont plus de risque de séparer par la suite.
.Les personnes plus diplômées:
Les personnes ayant fait des études longues ont plus tendance à se séparer que le reste de la population.
Conséquences psychologiques de la séparation
Séparation et dépression
Les études menées en France, même si elles ne portent pas directement sur cette question, montrent que la séparation est un facteur de risque de dépression important (voir à ce propos une étude de la drees réalisée en 2006 sur les facteurs de risque dépressif)
De même, une étude canadienne menée à partir de de l’Enquête nationale sur la santé de la population (ENSP) a étudié les liens entre dépression et séparation.
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Un plus grand risque de dépression
D’après cette étude, la séparation est en elle-même un facteur de risque de dépression et pas uniquement pour ses conséquences financières ou sociales. D’après les chercheurs :
12 % des personnes déclarent avoir traversé un épisode dépressif après s’être séparés.
Parmi eux, la majorité ne se sentait plus déprimés quatre ans plus tard.
Les hommes ont plus de risque de se déprimer après une séparation que les femmes
Le risque de dépression serait 3,3 fois plus élevé chez les hommes et 2,4 fois plus élevé chez les femmes qui se sont séparés au cours de l’année que pour le reste de la population
Toutefois, il ne faudrait pas conclure de ces études que la séparation entraîne mécaniquement une dépression chez toutes les personnes. En effet, une étude récente montre que le risque de dépression après une rupture est beaucoup plus élevé chez les personnes ayant déjà traversé un épisode dépressif.
Les personnes ayant déjà traversé une dépression sont particulièrement vulnérables
D’après une étude publiée dans le Clinical Psychological Science, nous ne sommes pas tous égaux face au risque de dépression après une séparation.
Selon eux :
60% des personnes ayant déjà connu une dépression risque de traverser à nouveau un épisode dépressif après une séparation.
Pour le reste de la population le risque n’est « que » de 10%
La différence est donc très importante. Les personnes ayant déjà fait une dépression sont 6x plus à risque que le reste de la population.
D’une manière générale le divorce, comme tout événement de vie douloureux, va avoir tendance à exacerber les risques psychologiques sous-jacents.
Les personnes qui ont tendance à se déprimer, ou qui ont une mauvaise estime d’elles-mêmes risquent de se déprimer ou de développer des troubles psychologiques si elles ne sont pas suffisamment soutenues.
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Les principaux facteurs de risques
D’une manière plus générale, certains facteurs rendent plus vulnérables à la dépression après une séparation :
- Les personnes ayant une mauvaise estime d’elles-mêmes
- Les antécédents de trouble psychologique (en particulier les angoisses de séparation)
- Le manque de soutien extérieur
Les étapes psychologiques du divorce
La notion d’étape doit évidemment être prise avec un certain recul. Chaque personne étant différente, on ne peut pas définir des schémas qui seraient valables pour tous et dans toutes les situations. Toutefois, elles permettent de donner des points de repère, des tendances que l’on retrouve dans de nombreuses situations.
On définit classiquement quatre étapes, quatre phases par lesquelles les personnes vont passer après une rupture. D’une manière générale, les étapes du « deuil de la relation » (voir également l’article sur les étapes du deuil) sont les mêmes que l’on soit la personne qui a décidé de se séparer ou celle qui est quittée.
1.La négation
C’est-à-dire le refus, la non-acceptation du processus. Cette négation peut prendre la forme d’une dénégation (« ce n’est pas vrai, il n’y a pas de problème, il n’y a pas de séparation ») ou d’un déni (on ne voit même pas où est le problème).
2.La tristesse et la colère
Il existe une tristesse à l’idée de perdre l’autre mais également la partie de soi qui était portée par l’autre.
La colère peut être tournée contre l’autre ou contre soi-même (ce qui est toujours plus inquiétant).
3.La résignation
La résignation désigne le fait de ne plus se battre contre une réalité. Elle porte en elle une acceptation d’un processus douloureux.
4.L’acceptation
L’acceptation renvoie au fait de ne plus chercher à refuser une réalité mais au contraire à réaménager sa vision du monde et sa vision de soi-même en intégrant la réalité de la rupture.
L’acceptation s’accompagne souvent d’un réaménagement des souvenirs de la relation qui prennent une place différente dans le récit que l’on peut faire de soi.
La séparation amoureuse est-elle un deuil?
Dans une interview donnée à Liberation en 2017 (voir l’article), la psychanalyste Catherine Chabert souligne les points de rapprochement mais également les différences qui existent entre deuil et séparation amoureuse :
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On meurt un peu, lors d’une séparation amoureuse ?
Attention, encore une fois, il ne faut pas condenser la séparation et la mort. C’est aussi une des raisons pour lesquelles j’ai eu envie d’écrire ce livre. La radicalité de la mort en fait une séparation particulière et c’est dommage d’utiliser l’expression «faire son deuil» pour tout et n’importe quoi comme on a tendance à le faire actuellement. Mais il existe un mode particulier de réaction aux séparations, celui qui témoigne d’un mouvement mélancolique. Alors là, oui, c’est tragique. La mélancolie est protéiforme et elle a plusieurs causes, mais que se passe-t-il dans ce cas-là ? Le moi entier se perd, il est emporté en même temps que l’objet perdu. La mélancolie entraîne vraiment une hémorragie, une perte narcissique. Une séparation vécue sur le mode de la mélancolie renvoie à une destruction. Et l’on ne sait pas ce qui est perdu : l’autre, ou le moi, sans pour autant que cette perte soit irrémédiable.
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C’est une séparation amoureuse qui produit le même effet qu’un deuil ?
Dans un deuil, on prend conscience de la disparition définitive de l’autre. Le deuil est une séparation irrévocable qui peut se définir davantage comme une «perte» que comme une «séparation». La perte de soi est bien plus importante dans un deuil que dans une séparation, et il existe bien sûr des deuils impossibles, mais en général, petit à petit, la part d’investissement qu’occupait l’objet disparu se libère, et le sujet redevient alors libre de s’attacher à quelqu’un d’autre. »
Sources:
- Insee 2015: « la dépression en France chez les 18_75 ans »
- Drees 2006: « facteurs de risque en population générales des épisode dépressifs »
- Chabert, C., Maintenant, il faut se quitter, 2017, Puf
- Bertrand Michèle, « Dépression et dépendance à l’objet », Revue française de psychanalyse, 2004/4 (Vol. 68), p. 1087-1095.
- Leprince Christine, « Le divorce : ses conséquences psychiques dans les liens familiaux », Le Divan familial, 2010/1 (N° 24), p. 109-122
Pour aller plus loin:
Podcasts sur la psychologie de la séparation amoureuse
« Peut-on supporter la séparation? »
Dans l’émission de France Culture, Matière à penser, Frédéric Worms interroge Catherine Chabert au sujet de son ouvrage intitulé Maintenant, il faut se quitter. La psychanalyste montre comment la douleur de la séparation amoureuse résonne avec toutes les séparations passées et questionne le rapport à l’altérité.
« Comment surmonter une rupture amoureuse »
L’émission de France Inter, Grand bien vous fasse interroge la psychanalyste Sophie Cadalen et Catherine Audibert, psychologue et psychanalyste, auteure de Chagrin d’amour : le surmonter et en sortir grandi.
Elles réfléchissent sur ce qui se joue dans la rupture amoureuse et sur les chemins qui permettent de surmonter cette étape.
La rupture: point de vue d’écrivains
L’émission de France Culture, La Série documentaire, interroge des écrivains et écrivaines (notamment Régis Jauffret, Serge Joncour…) sur leur vision de la rupture amoureuse.
Ils livrent leurs points de vue singuliers sur cet événement de vie et permettent de mettre des mots sur la variété des expériences vécues.
J’en profite pour saluer la qualité de cette émission toujours très juste dans son ton et son approche.
Consulter sur Paris
Si vous vous êtes séparé et que la douleur ne passe pas ou vous semble trop lourde à porter, il est important de demander conseil à un professionnel.
Contrairement à l’adage populaire, il n’est pas certain que cela « passe simplement avec le temps ». Il est, au contraire, important de mettre des mots sur la singularité d’une relation passée et d’un vécu actuel douloureux afin de panser la relation.
Des entretiens psychologiques vont avoir pour objectif d’ouvrir un espace pour partager les doutes, la culpabilité, la haine ou toute autre émotion douloureuse ou honteuse liée à la relation. Cela permet également de ne pas rester seul avec ses ruminations ou de les fuir dans une agitation sans but.
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Si vous habitez à Paris, un psychologue de Psy@Paris peut vous recevoir que ce soit pour une consultation ou pour entamer un psychothérapie.
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